Quand il s'agit des SDF, tout le monde se refile la patate chaude. Et les sans-abris sont pris pour des balles de ping-pong que se
renvoient des assistantes sociales incapables de leur proposer quoi que ce soit de décent, et les agents de la RATP qui ne veulent plus
les voir dormir dans les stations du métro...
Mais récemment, le modeste SDF que je suis a décidé que tout cela ne continuerait pas sans que ça coûte désormais hyper-cher
à ce pays qui se croit encore celui des droits de l'homme. Et la balle de ping-pong pour laquelle on me prend depuis 9 ans vient de se transformer
en boule de flipper... Vous pouvez continuer d'y jouer, je décline toute responsabilité...
Alors, d'abord, je pose une question : Que se passe-t-il quand un mec a le ventre vide, et qu'il ne fréquente pas
les associations distribuant de la nourriture vu qu'il refuse une certaine promiscuité...
Eh bien, au bout d'un certain temps sans manger,
il fait un malaise... Comment disait-on déjà , quand Sarko en a fait un ? Un malaise vaginal... pardon, vagal !
Ou plus simplement hypo-glycémique, dû à la sous-alimentation...
Intervention des Pompiers : De 240 € Ã 357 €...
Et il faut alors appeler ces charmants Anges Rouges, autrement dit nos amis les Sapeurs-Pompiers... A ce propos, oh, là là ... C'est grave,
on nous dit sans arrêt que les services de Secours sont saturés, qu'il faut éviter de les déranger pour rien...
Il faut aussi rappeler qu'une intervention des Pompiers coûte de 240 € à 360 € à la collectivité...
Voir encadré à la fin.
220 € pour toute admission aux Urgences !...
Ensuite, que se passe-t-il quand un mec à fait un malaise sur la voie publique ? Les pompiers l'emmenent alors à l'hôpital.
Et à ce sujet, un gentil garçon du quartier, actuellement en 5ème année de médecine
et à ce titre interne à l'AP-HP, a bien voulu me dévoiler que les hôpitaux facturaient systématiquement un minimum de 220 ⬠à la
Sécurité Sociale pour toute admission aux urgences, même lorsqu'il n'y a aucun caractère de gravité...
Soit près de 500 € le malaise !
Ce qui représente un total de plus de 550 ⬠de dépenses pour l'Etat, à chaque fois qu'un mec qui fait un malaise sur la voie publique est conduit à l'hosto
par les Secours...
Quand on sait que les médecins, comme tous les autres membres du person- nel soignant, ne sont même pas rémunérés au tarif de nuit pour les gardes qu'ils sont pourtant
tenus d'effectuer !... Quant à moi, j'ai la CMU. C'est con, hein... Ca peut durer longtemps !
Imaginez alors que ça m'arrive deux fois par jour ?
Je suppose que vous savez compter...
Et alors, vous trouvez que c'est intelligent de laisser sans logement des mecs qui
pourraient tenir leur place dans la société ?
Dans ce cas, comme dirait Gilbert Montagné, c'est vous qui voyez !...
Aux Urgences, on file même pas à bouffer...
Et en plus, les hôpitaux sont tellement radins qu'ils ne donnent même pas un plateau repas à un mec qui est simplement passé par les urgences, sans
être admis à l'hôpital. Alors, que va-t-il se passer un peu plus tard ? Eh oui, rebelote !...
Car le pauvre mec, en sortant des urgences, il est toujours sans pognon, et le ventre vide...
Et donc, notre pauvre SDF, votre serviteur, comme vous l'avez deviné, va comme par hasard, refaire un nouveau malaise, mais dans
un autre quartier, ou même dans un autre arrondissement de Paris.
Et une brave personne, un gentil passant qui passe, et qui
se préocupe du sort de son prochain, va appeler le 18 pour signaler un SDF qui semble aller très mal.
Style « A côté de lui, y a une bouteille d'Orangina, visiblement, ce n'est pas un clochard bourré. Il semble
vraiment avoir un problème, il ne répond pas, etc... ».
Et ainsi c'est reparti !
Mais au moins, on peut dormir tranquille !...
Et le cycle va continuer : Pompiers, Urgences, examen par une infirmière qui oriente les cas. N'étant pas une
urgence, je suis mis en attente, allongé sur un brancard, en attendant d'être exa- miné par un médecin. Souvent, il faut compter
plus de deux heures... pendant lesquelles je peux enfin dormir tranquille !
Bien entendu, il peut arriver que je sois ramené à nouveau dans le même hôpital, et qu'un médecin se souvienne que je suis déjà venu il y a quelques jours...
Pour les deux fois où cela s'est déjà produit, sur les 37 fois où j'ai déjà ... hélas fait un malaise, un interne
m'a fait simplement remarquer que je ne pouvais pas continuer à trainer dehors sans
manger... Ce à quoi je répond que s'il a une solution pour
manger sans argent, qu'il veuille bien avoir la gentillesse de me la donner...
-- Mais enfin, Monsieur, vous avez des associations qui peuvent vous aider, et vous donner à manger !...
-- C'est vrai, Docteur, mais moi, je ne suis pas un SDF alcoolo... Je ne cottoie pas les personnes sales, et donc, je ne vais pas dans ces associations...
-- Mais alors, ça peut durer longtemps, ça ?
-- Oui, tout à fait, Docteur !... mais heureusement, vous êtes là !...
Sur le coup, il préfère ne pas répondre, croyant que je me fous de sa tronche.
Alors, il ne cherche plus à discuter, et poursuit simplement son taf. Mais il comprend vite mon but final...
Ben quoi, on sait tous qu'ils sont très intelligents, les médecins. De Bac + 8 à Bac + 13, et même plus...
C'est ça qui est bien, avec les types pas cons : Avec eux, on est sûr d'être compris ! Ils ne sont pas toujours d'accord avec vous,
mais au moins ils comprennent très vite votre position, et cela évite de perdre du temps.
Cela dit, c'est une chose qu'il ait compris mon but, mais c'en est une autre qu'il puisse agir la-dessus.
Et il le sait, qu'il ne peut rien y faire. Ni lui ni personne d'autre...
L'Abbé Pierre disait que le mal-logement coûte beaucoup plus cher que le logement stable.
Alors, si l'Etat préfère dépenser plus de 70 ⬠par jour,
(prix de journée dans des foyers d'héber- gement pourris), eh bien croyez-moi, je n'aurai
aucun scrupule pour les suivre dans le même raisonnement à la con...
Cela ne les dérange pas de gaspiller l'argent des contribuables ?
OK ! Alors on va leur en faire claquer 100 fois plus ! Et ce logement décent, que je réclame,
vous allez tôt ou tard me l'attribuer.
Sans cela, je vais vous le faire exploser, votre petit déficit budgétaire...
Nous allons voir qui en aura marre le premier !...
Sources du coût de l'intervention des Secours :
D'après un article du Figaro, à Paris, chacune des interven- tions des Sapeurs Pompiers coûterait environ 240 €
Et surtout, des pros eux-mêmes m'ont confirmés que le coût réel d'une intervention VSAV dans Paris pourrait même être encore plus important, selon la distance
de la caserne, l'heure, et le temps passé, d'abord dans les embouteillages, puis avec la personne qui, au début, fait style de refuser de se laisser emmener, etc...
Il y a aussi l'Arrêté du 7 juillet 2004 pris en application des trois derniers alinéas de l'article L. 1424-42 du code général
des collectivités territoriales , qui prévoit les prix des secours sur les réseaux routiers et autoroutiers, et qui stipule :
"3.2. Modalités :
Les interventions courantes sont réparties en trois types et sont prises en charge sur la base d'un coût unitaire forfaitaire fixé pour 2004 ainsi qu'il suit :
- Secours à personne : 357 ⬠;
(Voilà pour le pauvre mec qui fait un malaise...)
- Secours accident de circulation entre véhicules : 450 â¬
- Autres opérations : 367,5 â¬.
Les interventions de longue durée et à caractère spécifique qui peuvent être caractérisées notamment par la mise en oeuvre de moyens spécialisés
(intervention en présence de matières dange- reuses), par des accidents impliquant de nombreuses victimes, par le déclenchement de plans de secours ou par
l'ampleur de l'interven- tion (important feu de végétation ou incendie généralisé) sont pris en charge sur la base d'un coût horaire des moyens engagés
et de la durée de l'opération.
Pour 2004 les coûts horaires des moyens sont fixés à :
- véhicule secours et assistance aux victimes (VSAV) : 130 â¬/h.
- véhicule de secours routier (VSR) : 135 â¬/h.
Vous voyez, alors imaginons que comme par hasard, un mec fasse un malaise sur l'aire de repos d'une autoroute, ou au bord d'une nationale,
dans un endroit bien paumé ?...
Alors bon, à Paris ou sur le bord d'une route, à 240 € ou 350 € c'est de toutes façons toujours un véhicule, doté d'un équi- pement,
qui roule avec du carburant, et surtout avec des hommes à qui la collectivité verse un salaire + des charges sociales, pendant tout le temps qu'ils travaillent !...